C’est Rose qui nous accueille. Nous sommes au Foyer, un lieu ouvert à celleux qui n’en ont plus. On y rencontre aussi Guy, perdu dans sa propre vie, il s’est installé ici ; Clara, une jeune femme qui cherche à échapper à ce qui lui apparaît comme une ombre. Sibylle, arrivée depuis peu, partie de chez elle avec l’intuition qu’il était temps d’aspirer à autre chose – à quoi ? Rien ne laissait présager que ces personnages se rencontreraient. Chacun·e d’entre eux aurait pu avoir une autre vie, trouver sa place dans ce monde et s’y conformer. Pourtant, les voici réuni·e·s toustes quatre au Foyer. Clara accepte de passer la nuit ici. Mais Guy l’avait prévenue : – Ne dors pas dans la dernière chambre. – Pourquoi ? – Elle est hantée.
Que se passe-t-il réellement dans cette chambre ? Que faut-il entendre derrière ces quelques mots de Rose : « La moindre parcelle de terre est hantée par les esprits de celles et de ceux qui furent mis à l’écart, qui ne trouvèrent jamais leur place ici-bas. » ?
Fruit d’une commande passée à l’auteur Samuel Gallet, ce texte fait écho à la question suivante : Si nous sommes si nombreux·ses à nous sentir inadapté·e·s au monde, est-ce nous qui sommes inadapté·e·s ou est-ce le monde que nous avons mal pensé ? Le spectacle, interprété par les musicien·ne·s et comédien·ne·s de la compagnie, trouve sa place dans une soirée que les habitant·e·s des territoires qui nous accueillent sont invité·e·s à inventer.
Note de création
La notion d’agora a nourri toute cette création. Nous avons invité les habitant·e·s à se réunir régulièrement dans les théâtres pour se réapproprier ces espaces. C’est leur capacité à tisser une pensée complexe qui est aujourd’hui le fondement de ce spectacle. Comment faire en sorte que le temps de la représentation n’enlève rien à cette démarche ? Le simple fait que certain·e·s agissent sur scène et que d’autres les regardent redessine une limite qui est l’essence même du théâtre. Conscient·e·s que cette séparation ne sera pas entièrement abolie, nous travaillons à ce que la scénographie permette de réunir sur scène, dans un espace convivial et rassurant, spectateurices et interprètes. Nous concevons un espace modulaire, qui s’adapte à de petits comme de grands plateaux, un espace accueillant dont l’esthétique s’éloigne visuellement du gradin, bien qu’en en remplissant, d’une certaine manière, la fonction.
C’est dans cette même intention que la musique sera créée et interprétée par Adrien Chennebault et Roberto Negro. La musique ne sera ni un personnage, ni un paysage, elle sera le préalable à tout ce que nous allons raconter. Le travail mi-percussif mi-mélodique des deux musiciens, s’inspirera du Gamelan balinais. Il participera à réunir cette assemblée théâtrale dans une vibration physique et musicale commune afin que l’histoire de Prendre Place puisse s’y déployer.